Langues et cité https://www.languesetcite.fr Bulletin de l’observatoire des pratiques linguistiques fr Les Parlers normands : caractérisation https://www.languesetcite.fr/650 Les phénomènes phonétiques du Nord‑Ouest Design graphique : La Fabrique de patrimoines en Normandie Les parlers normands à la croisée des phénomènes phonétiques de l’Ouest de la France Design graphique : La Fabrique de patrimoines en Normandie Isoglosse délimitant l’évolution du [é] latin : [e] à l’ouest, [we] et [wa] à l’est Design graphique : La Fabrique de patrimoines en Normandie Les parlers normands font partie intégrante de la langue française, par l’origine et par beaucoup de leurs caractéristiques. Historiquement, ils appartiennent au vaste ensemble des dialectes d’oïl et ils relèvent aujourd’hui de ce que les sociolinguistes nommeraient une variation diatopique du français standard (ou de référence). La formation des parlers normands est en très grande partie similaire à celle du français standard. Le latin constitue la matrice linguistique, qui s’est substituée à un substrat celtique dont il reste quelques traces lexicales et à laquelle viendront s’ajouter un superstrat germanique et divers adstrats. Parmi ceux-ci, il en est un qui revêt une importance particulière : l’adstrat scandinave. Caractéristiques phonétiques Loin d’être isolés, les parlers normands ont connu au cours de leur évolution des phénomènes phonétiques qui ont aussi affecté de nombreux autres parlers plus ou moins proches géographiquement. Ils appartiennent à deux grands ensembles dialectaux : le domaine du Nord-Ouest et celui du Grand Ouest. Phénomènes du Nord-Ouest Ces phénomènes concernent le mer., 30 avril 2025 00:00:00 +0200 https://www.languesetcite.fr/650 Les parlers des îles anglo-normandes https://www.languesetcite.fr/652 Le normand est unique parmi les langues de France car il est également parlé comme langue maternelle sur le sol britannique, dans les îles anglo-normandes de Jersey (où le parler normand s’appelle le jèrriais), Guernesey (guernésiais) et Sercq (sercquiais). Jusqu’au milieu du XXe siècle, le normand était également parlé à Aurigny (auregnais). Selon les estimations actuelles, le nombre de locuteurs est d’environ 500 à Jersey (< 0,5 % de la population), 300 à Guernesey (< 0,5 %) et 3 à Sercq, tous parlant couramment l’anglais. Panneau officiel en anglais et en jèrriais © Stéphane Laîné La situation socio-historique Les raisons de l’anglicisation des îles anglo-normandes sont nombreuses et complexes et ne peuvent être qu’esquissées ici. La présence de l’anglais à Jersey et à Guernesey date du Moyen Âge, lorsque des garnisons ont été établies pour défendre l’archipel contre les Français. Le normand est resté la langue quotidienne de la plupart des insulaires jusqu’au XIXe siècle, bien qu’à partir de cette époque, l’intensification des liens commerciaux et l’augmentation des services de transport, qui ont également précipité le démarrage de l’industrie touristique des îles, aient conduit à des contacts de plus en plus fréquents avec le Royaume-Uni. L’évacuation massive d’insulaires vers le Royaume-Uni dans les jours précédant l’occupation allemande des îles pendant la seconde guerre mondiale a également eu de graves conséquences linguistiques ; dans une proportion considérable d mer., 30 avril 2025 00:00:00 +0200 https://www.languesetcite.fr/652 Échantillon des parlers normands à travers le temps et les lieux https://www.languesetcite.fr/654 Depuis le XVe siècle, l’usage du patois est régulièrement revendiqué dans les textes de Normandie. Cela se fait parfois ouvertement, parfois de façon plus subtile. « Bé, n’est ce nostre propre usage / et le vray vulgaire normant ? / Quique m’en vueille estre blasmant ? / Ainsi mé l’a ma mere apprins / et n’en doy peint estre reprins. »Guillaume Tasserie, Le Triomphe des Normands, vers 1490, Rouen. « Bertran : Et bien men bon, quesque tu fais illoque / emprês ten feu à cauffer tes garets ?Marin : En bonne fey, j’écoute nôtte cloque / la grosse Artuse, et sairês volentiês / chen qu’il ya. »Chant réal, fait à Saint Nigaise par deux bons garchons drappiez, 1587, Rouen. Chant rial, 1622, Rouen, Adrien Morront © Patrice Lajoye « O cha, n’importe, Cattelotte, quitton la qualitay de Monsieu et de Madame la Quiole, n’o se passe mieux de cha que de pain, et no réjoüissons que note richesse n’a point durai pu long-tems ; car j’eussions ressemblay pût être à la Grenoüille d’Isope, qui s’enflit tant pour devenir aussi grosse que son compere le Bœuf qu’à crevit sur le pray pu réde qu’un bâton. »La Farce des Quiolards, vers 1690, Rouen. « Pour ce qu’est des mots, je devinîmes tout d’un coup qu’hormis mr le Curé, son vicaire, et nous qui sommes le magister de pus de trois Paroisses, le reste n’y entendrait guères pus que rian, parce quin savent pas comme t’est-ce quon parloye à l’accadémie, et que surement le sien qui l’a fait en ferait ben encore un autre tout pareillement semblable. Or c mer., 30 avril 2025 00:00:00 +0200 https://www.languesetcite.fr/654 Langue, patois, dialectes… ? https://www.languesetcite.fr/656 Depuis une quarantaine d’années, une sorte de querelle oppose les universitaires qui étudient et enseignent la dialectologie normande, et les militants régionalistes qui revendiquent une langue normande. Dans un autre chapitre, nous avons tenté d’expliquer qu’il est impossible de dissocier les enjeux politiques et les questions linguistiques, particulièrement en France, et combien la reconnaissance comme langue régionale – ou non – pouvait avoir d’incidence sur les actions engagées en faveur d’un enseignement dans le cadre institutionnel. Nous allons ici essayer d’expliquer les implications de la querelle terminologique entre dialectologues et militants, et combien elle est vaine. Charles Joret, Essai sur le patois normand du Bessin, Paris, Vieweg, 1881 Perspective historique Tous les ouvrages fondateurs pour l’étude des parlers normands rédigés au XIXe siècle emploient le mot patois, depuis le Dictionnaire du patois normand des frères Duméril en 1849 jusqu’à l’« Essai sur le patois de la Hague en forme de glossaire étymologique » de Le Boullenger en 1897. Louis Du Bois, Henri Moisy, Charles Joret, Frédéric Pluquet, Jean Fleury, Axel Romdahl… tous usent du mot patois, mais ils le font suivre systématiquement d’une indication géographique, à l’exception des Duméril et de Dubois (repris et complété par Travers). N’y voyons pas une dépréciation, un jugement ou un mépris de la part de bons bourgeois, savants ou érudits qui se penchent sur les modes d’expression populaire. Voyon mer., 30 avril 2025 00:00:00 +0200 https://www.languesetcite.fr/656 Que parle-t-on en Normandie avant la Révolution ? https://www.languesetcite.fr/657 Les efforts d’analyse à caractère scientifique des parlers locaux sont exceptionnels sous l’Ancien Régime. En Normandie, en 1704, on peut noter toutefois l’initiative isolée de Claude Buffier, qui réfute le fait que le normand soit « un mauvais langage », et précise « pourquoi n’y auroit-il pas de régles pour le Normand, comme pour le François ? » Le Coup d’œil purin, manuscrit, 1773 © Patrice Lajoye La plupart du temps, les parlers locaux sont nommés, mais de façon spontanée, non réfléchie. Les expressions employées sont alors très diverses. « Langue normande » n’est attestée que deux fois : en 1649 dans le titre d’une mazarinade soi-disant écrite en normand quand il s’agit en fait de français déguisé, et en 1685 dans une comédie d’Edme Boursault, qui se moque de la prétention d’un Normand de vouloir ouvrir une école de « langue normande ». L’expression « langage normand » est autrement plus courante. Il arrive toutefois qu’elle désigne le norrois, la langue des Vikings. Cependant, dès 1588, Charles de Bourgueville l’emploie pour désigner la langue du peuple de Caen. On peut noter aussi « gros normand », majoritairement employé au XVIIe siècle par le poète rouennais David Ferrand. On utilise aussi à Rouen « langue purinique », qui désigne alors spécifiquement le langage des ouvriers drapiers, ou plus largement celui des habitants de Rouen. D’autres expressions ont un caractère plus flou. Au XVe siècle, le poète Guillaume Tasserie fait parler au « quemun peuple », le « vray mer., 30 avril 2025 00:00:00 +0200 https://www.languesetcite.fr/657 Que parlent les locuteurs actuels ? https://www.languesetcite.fr/658 La carte 1266 de l’Atlas linguistique et ethnographique normand de Patrice Brasseur est très claire : les locuteurs natifs des parlers normands « patoisent ». « Patoiser » est en tout cas le verbe qui, sous diverses formes, est employé sur l’ensemble du territoire de la Normandie, à l’exception des îles anglo-normandes, où l’on dvise ou pale le dgèrnésiais ou le jèrriais. Pour les locuteurs natifs, patoiser est naturel. Lettre du préfet du Calvados, 1812 © Patrice Lajoye Pourtant, dans les milieux régionalistes et militants, on parle depuis quelques décennies du « loceis normand ». Le terme loceis semble apparaître pour la première fois dans les années 1960, notamment sous la plume d’André Dupont, par exemple dans L’Histouère de lus pais racontae à mes quenâles dans le loceis à nous pères (nouvelle publiée dans le Bouais-Jan en 1968 sous le pseudonyme de A.-J. Desnouettes). Mais il a tout l’air d’être un néologisme car il est totalement absent de l’Atlas, mais aussi des dictionnaires anciens, quel que soit le pays de Normandie auquel on s’intéresse. Seul Jean Fleury en 1883 atteste pour la première fois dans la Hague du mot lŏcĕs, qui signifie « discours, conversation ». Il a aussi été noté plus tard par Éric Marie dans le Val-de-Saire. Et dans les années 1970, Patrice Brasseur a rencontré ce même mot, toujours dans la Hague, avec le sens de… « charabia » (ALN, carte n° 1267, en marge). Il semble pour le coup délicat d’appliquer à l’ensemble de la région un mot qui n’est con mer., 30 avril 2025 00:00:00 +0200 https://www.languesetcite.fr/658 Standardisation, uniformisation https://www.languesetcite.fr/659 Quelques éléments contextuels Lorsque le roi François Ier fait promulguer le 25 août 1539 à Villers-Cotterêts ses Ordonnances royaulx sur le faict de la iustice et abbreviation des proces par tout le Royaulme de France, dont les ordonnances 110 et 111 donnent obligation de prononcer, enregistrer et délivrer tous les actes officiels et de justice en « langaige maternel françoys », il donne à la langue une dimension institutionnelle qui est toujours en vigueur aujourd’hui. En réalité, François Ier n’innove pas vraiment… D’autres ordonnances similaires ont précédé, en 1490, 1510, 1531 ou 1535. Le « langaige maternel françoys » est aussi une réalité polymorphe : la France n’a pas alors de langue nationale, les dialectes sont majoritaires et cohabitent avec des usages écrits en permanente évolution, sujets à des tendances variées. Il s’agit plutôt de proscrire l’emploi officiel du latin… mais ce n’est qu’entériner un état de fait : depuis le début du XIIIe siècle, il n’a cessé de décliner dans les actes juridiques, seules les chancelleries religieuses le maintiennent encore. La création de l’Académie française en 1635 doit imposer le bon usage, mais cela ne concerne qu’une élite sociale et intellectuelle très minoritaire. La Révolution française va connaître une évolution des rapports à la langue comparable à l’évolution des idées politiques. Si, généreusement, le 14 janvier 1790, l’Assemblée nationale française décide de « faire publier les décrets de l’Assemblée dans tous les id mer., 30 avril 2025 00:00:00 +0200 https://www.languesetcite.fr/659 Entretien avec Hervé Morin https://www.languesetcite.fr/660 Depuis 2019, la Région Normandie a engagé une politique de sauvegarde et de valorisation des parlers normands. Entretien avec le président de la Région, Hervé Morin. Propos recueillis par Stéphane Laîné Pourquoi la région Normandie s’est-elle engagée dans une politique linguistique ? J’ai la chance d’être le premier responsable politique à présider une Normandie réunifiée. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point la Normandie a souffert d’avoir été divisée en deux régions pendant plusieurs décennies ! À tous points de vue. La réunification a permis à la Normandie de retrouver son espace géographique, historique et culturel, son espace naturel. Je regrette d’avoir mis deux ans à initier la politique linguistique de la région, parce que la réunification a mis du temps à se faire, mais cette politique était nécessaire. En quoi, pourquoi cette politique linguistique est-elle nécessaire ? Je rêve que notre région déploie davantage tout son potentiel et relève les défis de demain, que l’esprit de conquête dont Guillaume [le Conquérant] est le plus bel exemple coule à nouveau dans nos veines. J’ai pu observer ce qui se passe dans d’autres régions françaises, en Corse, au Pays basque ou chez nos voisins bretons. La force de la Bretagne, c’est que le Breton pense d’abord « Bretagne ». Eh bien nous, Normands, il faut que nous pensions toujours davantage « Normandie ». Ça n’empêche pas d’aimer son pays, d’être patriote. L’un n’est pas incompatible avec l’autre. Mais je trouve que le pl mer., 30 avril 2025 00:00:00 +0200 https://www.languesetcite.fr/660 L’enseignement de la dialectologie normande à l’université de Caen‑Normandie https://www.languesetcite.fr/662 L’université de Caen fut l’une des premières à offrir un enseignement de dialectologie, quinze ans seulement après l’élection comme maître de conférences à l’École Pratique des hautes études du « père de la dialectologie », Jules Gilliéron, un Suisse qui avait étudié la philologie à Neuchâtel et Bâle. Elle est aujourd’hui la seule à proposer des enseignements de dialectologie normande, en formation continue et initiale. L’histoire de ces enseignements n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. Revue des parlers normands n° 5, août-octobre 1898 Un pionnier : Charles Guerlin de Guer C’est par une délibération du conseil de la Faculté des Lettres en date du 23 mai 1898 que l’université décide la « création d’un cours de dialectologie normande » assuré par Charles Guerlin de Guer (1871-1948), disciple de Gilliéron. Il ne s’agit encore que d’un cours de deux heures par semaine « dont une leçon publique pendant la saison ». Une subvention annuelle de 1 500 francs est également décidée, somme importante puisqu’elle correspond au salaire d’environ 600 journées de travail d’un ouvrier spécialisé. Il précise cependant que le recours à « la générosité des pouvoirs régionaux ou locaux, des sociétés savantes de Caen ou de la province » serait le bienvenu1. En juin 1898, Guerlin de Guer obtient le soutien de la Société des Amis de l’Université et le premier cours a lieu le 6 décembre 18982. Il ne s’agit encore que d’un cours libre, hors cursus, mais il connaît un vrai succès puisque mer., 30 avril 2025 00:00:00 +0200 https://www.languesetcite.fr/662 L’enseignement des parlers : normands face aux freins réglementaires https://www.languesetcite.fr/664 Dès les années 1960, les institutions européennes se préoccupent des langues régionales et minoritaires. En octobre 1981, la Recommandation 928 de l’Assemblée parlementaire sur les Problèmes d’éducation et de culture posés par les langues minoritaires et les dialectes en Europe pose les premières bases d’une convention qui prendra forme dans la résolution 192 de la Conférence des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe en mars 1988. Elle aboutira à une Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, un traité européen adopté lors de la 478e réunion du Comité des ministres du Conseil de l’Europe le 25 juin 1992 et ouvert à la signature le 5 novembre suivant à Strasbourg. On sait ce qu’il adviendra de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires en France. Le lendemain de son adoption par le Conseil de l’Europe, le 26 juin 1992, l’article 2 de la Constitution de la République française du 4 octobre 1958 est modifié, un alinéa est ajouté qui indique : « La langue de la République est le français. » En avril 1999, Bernard Cerquiglini, alors Directeur de l’Institut national de la langue française, remet aux ministres de l’Éducation nationale et de la Culture un rapport sur les langues de France. Il établit une liste de 75 langues de France et précise notamment : « Que l’on adopte, pour expliquer sa genèse, la thèse traditionnelle et contestable d’un dialecte d’oïl (le supposé francien) “qui aurait réussi” aux dépens des autres, ou que l’on y voie la cons mer., 30 avril 2025 00:00:00 +0200 https://www.languesetcite.fr/664