Coofficialité de deux langues d’enseignement en Nouvelle‑Calédonie

Solange Ponidja

p. 14-15

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Solange Ponidja, « Coofficialité de deux langues d’enseignement en Nouvelle‑Calédonie », Langues et cité, 31 | 2022, 14-15.

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Solange Ponidja, « Coofficialité de deux langues d’enseignement en Nouvelle‑Calédonie », Langues et cité [En ligne], 31 | 2022, mis en ligne le 20 mai 2022, consulté le 23 avril 2024. URL : https://www.languesetcite.fr/266

En 1998, l’Accord de Nouméa valide les langues kanak, dans leur statut de langues d’enseignement au même titre que le français, enjoignant ainsi l’École calédonienne à reconnaître la co-officialité de deux langues d’enseignement au sein de son système éducatif.

Il va sans dire que c’est un défi majeur que l’Ecole calédonienne doit relever pour développer l’enseignement en langue kanak, en dépit du fait qu’elle n’y ait pas été préparée. Cet état de fait provoque de grands bouleversements dans les attitudes, les pratiques d’enseignement et dans le fonctionnement des équipes pédagogiques. Ainsi le caractère inédit de l’enseignement en langue kanak, nous suggère quelques questions : comment va se manifester l’ingéniosité didactique pour gérer cette catégorie d’élèves qui de par leur différence, légitime la mise en place d’un dispositif de prise en charge adapté ? Comment faire réussir les élèves sur le support d’un partenariat didactique entre l’enseignant de langue kanak et l’enseignant titulaire par la répartition des compétences, des connaissances et des contenus d’enseignement.

Quel est le rôle de chaque langue dans l’élaboration des concepts et l’acquisition des contenus disciplinaires ?

Aussi, aborder l’enseignement des langues et de la culture kanak, nous renvoie vers la didactique des apprentissages et questionne notre pratique enseignante. Ainsi, en nous posant la question de « comment enseigner en langues kanak ? », la didactique nous oblige à nous poser la question de « comment enseigner tout court ? ». Ceci qui nous amène à nous centrer sur l’enfant porteur d’une culture éloignée de la culture académique de l’École certes mais qui structure néanmoins depuis son jeune âge ses fonctions cognitives dans son milieu de vie.

De ce fait, favoriser le partenariat didactique des deux langues d’enseignement à l’École dans la perspective de la didactique intégrée, c’est proposer une méthodologie intégrée, qui traduit une convergence sur le plan cognitif et métalinguistique. Les langues deviennent des langues partenaires facilitant le passage d’une langue à l’autre. En conséquence, les deux enseignants conçoivent un mode de fonctionnement qui situe l’enseignement des disciplines scolaires en langue kanak et français dans une relation partenariale.

Le partenariat didactique pour une pédagogie de la réussite 

Une approche basée sur 3 principes : l’acceptation, la concertation et l’application 

L’acceptation 

Être dans l’acceptation c’est être dans une attitude bienveillante qui consiste à considérer l’élève selon une approche holistique, nous enjoignant au respect des savoirs autochtones et de sa perception du monde. L’enseignant encourage la mise en valeur de la langue, la prise en compte de la valeur intrinsèque du locuteur. Cette démarche se réalise dans la prise en compte de cette valeur, dans le respect de ce que la personne est, dans l’abandon de ses préjugés, ses jugements et dans le développement de l’empathie et de l’altruisme.

La concertation

La concertation oblige à l’adoption par les enseignants d’une « attitude morale » selon William’s et al (2010). Elle prédispose en effet, à un état de préparation à un certain mode d’action. Parce qu’enseigner dans un milieu scolaire marqué par la diversité culturelle et linguistique, invite l’enseignant, selon Blanchet (2010) à :

« L’adoption d’une “posture intellectuelle” (une certaine façon de voir les choses) et la mise en œuvre de principes méthodologiques dans l’intervention didactique et pédagogique (une certaine façon de vivre les choses) ».

Ainsi, la notion de concertation repose implicitement sur l’idée d’un nouveau partage du pouvoir comme le décrivent D.G Tremblay et D. Roland.

L’application

Le tableau suivant illustre le fonctionnement du partenariat didactique tel qu’il est vécu dans les situations d’enseignement-apprentissage. Nous pouvons y voir décrit comment les deux langues fonctionnement en tant que partenaires pour faciliter la fixation des acquis et le transfert des connaissances. Ainsi, l’alternance codique, en s’inscrivant dans la complémentarité entre deux langues, peut être considérée comme une des facettes de ce partenariat didactique.

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Les perspectives

Il est primordial d’actionner une mise en réseau effective de partenaires œuvrant pour l’innovation pédagogique.

Au-delà des frontières des Outre-mer, une ouverture est souhaitable vers les espaces francophones du monde.

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Solange Ponidja

Enseignante spécialisée