29 | 2017Les langues de Guyane

Ce numéro de Langues et cité reprend à nouveaux frais les travaux présentés une première fois en 2003, puis mis à jour en 2011. La présente version a finalement été entièrement réécrite, d’une part pour rendre justice aux avancées de la recherche sur la dernière décennie, et d’autre part pour faire le bilan de dispositifs que l’on peut désormais évaluer avec un certain recul – c’est le cas des ILM (Intervenants en Langue Maternelle), spécifiquement mis en place pour répondre à la situation guyanaise.
Celle-ci est, au sein de l’ensemble ultramarin, particulièrement complexe : la Guyane est sans doute le territoire qui présente la plus grande diversité linguistique toujours en usage. Les langues actuellement parlées en Guyane proviennent en effet de sources diverses : le français, langue de l’État, côtoie ainsi les langues amérindiennes, les différents créoles à base française, anglaise, portugaise – et les nombreuses langues que l’immigration apporte notamment du Suriname et du Brésil voisins. Il n’est ainsi pas rare de rencontrer des locuteurs qui utilisent trois, quatre langues, voire plus, au quotidien. Or, en tant que département très étendu, mais pauvre et proportionnellement assez peu peuplé, la Guyane est actuellement dans une situation socio-économique difficile, ce que des mouvements sociaux ont rendu visible en début d’année 2017.
L’objectif de ce numéro est ainsi, au-delà de l’habituel panorama de la diversité linguistique interne française, de rendre compte des interrogations contemporaines d’une sociolinguistique que l’on pourrait qualifier d’impliquée, plutôt que d’appliquée : en quoi les recherches sur les pratiques langagières plurilingues d’une population peuvent-elles à la fois informer et interroger la conception des politiques publiques, que celles-ci concernent la santé, l’éducation ou la justice ? Ce sont ces questions sociales et sociologiques qui sous-tendent les articles ici présentés, et à travers elles c’est la centralité politique du langage et des langues dans la société qui se trouve réaffirmée.