24 | 2013Féminin, masculin : la langue et le genre

Masculin-féminin : la grande affaire ! Tous les textes qui suivent en témoignent. Les langues pour lesquelles le genre grammatical se construit à partir des pôles féminin et masculin font l’objet de débats articulant langue, sexe, genre et égalité sociale.

Mais en indo-européen1, la grande opposition de genre qui organisait la langue était celle de l’« animé » et de l’« inanimé », qu’exprimait la distinction du masculin-féminin d’un côté, du neutre de l’autre. Et puis cette opposition a perdu tout son sens dans les langues modernes, même celles qui ont conservé un neutre, et aujourd’hui un Allemand ne saurait dire pourquoi Bank est féminin, Boot neutre, et Berg masculin. Les catégories du féminin et du masculin se sont un temps maintenues pour distinguer certaines notions. Les arbres, par exemple, étaient du féminin, il en reste des traces en occitan : la figuièra, la platana. À son tour, cette fonction distinctive s’est perdue, et l’usage qui fixe le pied au masculin et la main au féminin ne répond à aucune notion saisissable, non plus que de dire en d’autres langues le lune et la soleil. Purement conventionnel, le genre des noms aurait donc pu disparaitre en français. Notons toutefois son appréciable rendement linguistique2 : il permet de différencier à peu de frais le carpe et la carpe, le livre et la livre, une page et un page, une tour et un tour

De fait, il reste un domaine où la répartition entre le féminin et le masculin garde une signification et continue à jouer un rôle : là où elle correspond à une opposition de sexe. Pas question de confondre le genre des mots avec le sexe biologique, mais refuser de faire servir l’emploi du genre grammatical à l’expression d’une suprématie sexiste est légitime.

Curieusement, cet objectif unique passe par la mise en œuvre de moyens linguistiques contradictoires : soit accentuer la différence sexuée (féminisation des titres et fonctions), soit l’effacer (innovations englobant masculin et féminin).

 

1. Antoine Meillet, Esquisse d’une histoire de la langue latine, Hachette, 1938, p. 235.
2. Grammaire Larousse du français contemporain, éd. 1973, § 248.