“Une légère erreur”. Extrait de Patoiseries de « La Soutrane », 1944, Guéret : Société Creusoise d’Édition, p. 5

Marcel Rémy

p. 22

Citer cet article

Référence papier

Marcel Rémy, « “Une légère erreur”. Extrait de Patoiseries de « La Soutrane », 1944, Guéret : Société Creusoise d’Édition, p. 5 », Langues et cité, 30 | -1, 22.

Référence électronique

Marcel Rémy, « “Une légère erreur”. Extrait de Patoiseries de « La Soutrane », 1944, Guéret : Société Creusoise d’Édition, p. 5 », Langues et cité [En ligne], 30 | 2021, mis en ligne le 20 mars 2021, consulté le 05 novembre 2024. URL : https://www.languesetcite.fr/238

[Parler des environs de La Souterraine (Creuse)]

[Version originale]

Le paôbre vieux Yônard ère malate dépeu déjà in bon maye. Le médeci ne saye pas trop coument le guarir à caoze que quo têtu de vieux ne pregne pas lous médicaments. Et pis, ou ne fasève que s’émaraunâ dau mati au seir. Ine vé, la Yônarde, sa fanne, se décidet à le sugnâ de force. Mas faille pas que qua coûtesse châr ! Le médeci yi disset de fâre ine tisane avec de la belladonne ; qu’ère pas compliqua : qua suffisève de versâ la valour d’ine pèce de dié saov dins le bouillon, pas mé ! Qu’ère dangéroux ! Mas y’aye pas de phormacien à proximita par pesâ la poudre.

Le lendemo, le médeci repasset chas Yônard.

- Alors, ou disset. Qu’a lo calma [ ?]

- Oh non ! disset la Yônarde en purant, oué mort dins la neut. Qué tu dau malheur !...

- Bigre ! Vouâ pas dépassa la dose ?

- Y crèse pas. Y’aye pas de pèce de diés saov ; alors y’ai praye cinq peças de doux saov.

- Eh be ! qué pas étounant que ou o cloqua !...

[Traduction en français]

Le pauvre vieux Léonard était malade depuis déjà un bon mois. Le médecin ne savait pas trop comment le guérir car ce têtu de vieux ne prenait pas ses médicaments. En plus, il ne faisait que ronchonner du matin au soir. Un jour, Léonarde, sa femme, se décida à le soigner de force. Mais il ne fallait pas que cela coûte cher ! Le médecin lui dit de faire une tisane à la belladone ; ce n’était pas compliqué : il suffisait d’en verser l’équivalent d’une pièce de dix sous dans le bouillon, pas davantage ! C’était dangereux mais il n’y avait pas de pharmacien à proximité pour peser la poudre.

Le lendemain, le médecin repassa chez Léonard.

- Alors, dit-il. Ça l’a calmé ?

- Oh non ! dit Léonarde en pleurant, il est mort dans la nuit. En voilà un grand malheur !...

- Bigre ! Vous n’avez pas dépassé la dose ?

- Je ne crois pas. Je n’avais pas de pièce de dix sous ; alors j’ai pris cinq pièces de deux sous.

- Eh ben ! Ce n’est pas étonnant qu’il ait claqué [=qu’il en soit mort] !...