Sur la graphie invariable de « kanak »

La Rédaction

p. 15

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La Rédaction, « Sur la graphie invariable de « kanak » », Langues et cité, 26 | 2014, 15.

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La Rédaction, « Sur la graphie invariable de « kanak » », Langues et cité [En ligne], 26 | 2014, mis en ligne le 04 avril 2022, consulté le 08 octobre 2024. URL : https://www.languesetcite.fr/370

Dans les articles de ce numéro consacré aux langues de Nouvelle Calédonie, le mot « kanak » est invariable : c’est le libre choix des auteurs. Cette graphie est celle que l’on retrouve dans le texte de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, où « kanak » est invariable en genre et en nombre. On trouve par exemple à l’article 215 : « Les langues kanak sont reconnues comme langues d’enseignement et de culture. »

L’orthographe et l’emploi du mot « kanak » font débat depuis longtemps, comme en témoigne un texte daté de 1985, dans lequel Pierre Bourdieu et Alban Bensa écrivaient :

« Le terme “Canaque” a été introduit par la colonisation : c’est à l’origine un terme hawaïen qui signifie simplement homme. Il fut utilisé, avant de se généraliser en Nouvelle-Calédonie, par les premiers navigateurs européens qui venaient en Mélanésie avec des équipages polynésiens pour s’emparer du santal ou recruter de la main-d’œuvre. Jusqu’aux années 1970 le terme “Canaque” était péjoratif, les Européens de Nouvelle-Calédonie parlaient de préférence d’“indigène” ou d’“autochtone”. Ensuite les jeunes Mélanésiens politisés reprirent ce mot injurieux à leur propre compte pour l’ériger en symbole de l’humiliation coloniale subie et, en retour, de la lutte indépendantiste naissante. La tradition lettrée parla d’abord de Néo-Calédoniens puis de Canaques, le mot étant écrit dans cette orthographe bien française. Les Mélanésiens, en s’appropriant le terme dans leur combat politique, écrivirent Kanak. Le K devint d’ailleurs chargé d’une forte connotation indépendantiste.  »
(Bourdieu, Pierre & Bensa, Alban. 1985. “Quand les Canaques prennent la parole”. Actes de la recherche en sciences sociales 56, 1, pp. 69–85.)

Quoique les règles d’écriture de la langue française marquent, lorsque la morphologie de l’adjectif le permet, le féminin par un ‑e et le pluriel par un ‑s final, la Délégation générale à la langue française et aux langues de France a fait le choix d’y déroger pour le titre et l’éditorial de cette livraison, par souci de cohérence avec l’ensemble des articles ici rassemblés, les textes rédigés par l’Etat français, dont ceux de l’accord de Nouméa, utilisant la graphie « kanak », afin de respecter une revendication identitaire.

C’est également le choix du Vice-rectorat de Nouvelle Calédonie, qui considère sur son site le terme comme invariable (voir par exemple : http://www.ac-noumea.nc/spip.php?rubrique48) et depuis la fin de la précédente décennie, celui de la plupart des chercheurs.

L’usage n’en reste pas moins encore flottant dans la presse, qui applique épisodiquement les règles d’accord en genre et en nombre au mot « kanak ».

Des femmes kanakes élues maires. Libération, 19 mars 2008. http://www.liberation.fr/france/2008/03/19/des-femmes-kanakes-elues-maires_67715